Julie Béna


C’est l’horizon qui a inventé le train. Lorsque pour les besoins de son émergence, la société industrielle décida de poser une règle graduée sur le sol. Mais c’est le train qui a inventé le traveling. Lorsqu’il devint approprié de contempler le territoire conquis, et nécessaire de transporter sur l’autre rive, les ressources humaines de sa prochaine expansion.
Cette course, Paul Virilio la voit naître sur un tout petit morceau de prairie, entre la zone de repos et la zone de pâturage. Une coulée. Une course effrayée pour survivre au prédateur. Une chasse linéaire. Un chemin de fer et de sang, horizontal, terrestre et temporel.

Train de nuit en zone péri-urbaine.
Renversant l’axe naturel des dimensions, comme sous l’effet d’un accident, d’une chute, le projecteur de Julie Bena essaime dans l’obscurité du cosmos des escarbilles de lumières. Ces trajectoires lentes, abstraites, en prise avec la pesanteur, évoquent tantôt les constellations géométriques d’un hyper-espace futuriste, tantôt les diagrammes pulsés d’une DCA de jeux vidéo.
Pourtant, une résonance sonore, de source bien réelle, nous ramène au rythme ferroviaire d’un autre voyage. Un voyage halluciné et visionnaire à travers la nuit d’une civilisation ravagée, déjà irréelle, et néanmoins familière.