Vincent Labaume


De quoi se réassurer par rapport au contenu de son assiette (Triptyque), 2009.
Collage et techniques mixtes sur carton.

Le désir, je schématise. Le réel, non. Je l’hallucine. Par quels moyens ? Le sujet de ce triptyque.
Le corps est un montage (Marcel Mauss). Le désir est un montage d’une image de corps sur un autre. Monter sur son modèle pour jouir, ou monter sur ses parents pour accéder à la consommation, c’est le lot commun. La pornographie dérobe habituellement ce montage en faveur d’une unité spectaculaire : ce cul-là. Aussi monter un cul-là par-dessus l’autre, c’est nier l’un & l’autre, pour un cul possiblement supérieur, la tête coupée, le trou du cou ?... Car le collage s’émancipe du colleur (voyeur) et caresse d’autres montag(n)es d’images. Bizarre sabbat d’attouchements des figures et des produits au sommet de leur représentation séparée… La consommation érige ses produits dans le vertige. Une fente bée entre ces divers ordres, qui fait penser à la raie noire de l’horloge, les deux aiguilles alignées sur le midi. Théorie de la consommation : qui tient le cycle dans ses représentations jusqu’au cadavre tient bon debout, à genoux, couché. Fin du cycle : embaumement, relique, art (techniques viles + figures datées = histoire de l’art). Icône du cycle sur fond plat cartonné doré pour tarte ou gâteau, ici à parts égales, prédécoupées pour être dégustées en famille (comme le melon de Monsieur de Saint-Pierre). Mais alors le réel, il s’hallucine ? S’il tient bon, lui aussi, n’est-ce pas comme un dernier bouton fermé sur le manteau d’ingratitude du visible ? Oh ! Poète ! Non : un simple disque de plastique noir moulé à l’imitation des boutons de marins. Certes, il porte une croix potentiellement gammée (de loin). Attention ! Il y a Histoire et contrefaçon : sous l’objet en litige, du vaguement peint, du vaguement corps, du magma collé, une fausse nappe jaune citron et un emballage doré, pliage en croix. Entre le réel et le magma, la spire, le ressort, la tension. Tout ceci fait-il penser tout faux ? Et les restes, alors ? Sur la limite externe d’un plat à pizza, faites un tracé cycloïdal des désirs passant par la bouche et l’œil et qui se rejoignent sans faire boucle au centre, formant une consternante conjonction binoculaire : pierre et noyau. En ce dernier stade des reliefs (alimentaires de table et optiques de près), vous obtenez d’inconsommables promesses et une tête à toto qui crache son schéma. De quoi se réassurer par rapport au contenu de son assiette.

Vincent Labaume, Clichy, 27 février 2009