Carole Benzaken


C.Benzaken fait une proposition qui embrasse les acquis de ses travaux précédents. Trois écrans disposés en triptyque diffusent la séquence infinie d’une marche. Un homme progresse à l’horizon d’un paysage qui hésite entre paradis et « no man’s land », zone frontière entre sable et océan. Alors que la progression du personnage renoue avec la linéarité des « Rouleaux de peinture », le morcellement en trois écrans de cette errance se souvient de la mise en grille moderniste des Tulipes ou de la série By Night, cherchant à contenir la fluidité du présent numérique. Mais ici, C.Benzaken superpose à la surface de son déroulé infini une seconde grille, picturale et aléatoire celle-là, qui troue et couvre simultanément l’ensemble du flux cinématographique. C’est toute une esthétique de l’épaisseur de l’image numérique qui se dévoile alors, pour mettre à nu les illusions narratives et rationnelles d’une image construite sur un mensonge mimétique. Tout se passe comme si, dans la course des dispositifs des regards, l’image-écran était en train de prendre le témoin à l’image linéaire. Ce faisant, la naïveté de l’image narrative cède le pas sous la force de proposition d’une image-écran, non plus illusionniste mais stratifiée, transversale, jouant des transparences et opacités de ses calques successifs. Dans cette mutation des regards, c’est une mutation de la pensée qui s’annonce.

Stéphanie Katz, 2009